[Écrin/écran] / [Interface/intérieur] : double lecture de l’interface utilisateur dans l’oeuvre vidéoludique NieR : Automata (2024)

Cet article devait à l’origine prendre place au sein du numéro d’une revue scientifique consacré à l’altérité vidéoludique. L’annulation de la parution de ce numéro m’amène à le proposer finalement sur ces pages. Présenté tel qu’il devait l’être pour sa destination première, son propos n’est pas directement une étude des dispositifs de la catastrophe au sein de la diégèse et des ressorts propres au medium, mais l’analyse d’une expérience éthique multiple dans le cadre d’une catastrophe passée et de ses répliques.

L’attitude ludique qui relie jeux et joueurs fait face à un écueil lorsqu’elle se concentre exclusivement sur les moyens et les dispositifs d’une tentative d’immersion la plus lisse et la plus complète possibles. Comme le rappellent Fanny Barnabé et Julie Delbouille, le principe de réflexivité, qui « caractérise autant l’expérience et l’attitude des joueurs (le play) que la structure des objets-jeux (les games)1 », semble écarté de l’expérience si celle-ci doit se concentrer sur un état de projection idéale dans une réalité qui s’exclurait complètement de la nôtre. En effet, que l’on considère par exemple les idées de Jean-Marie Schaeffer ou le travail de Jacques Henriot, notamment analysés par Sébastien Genvo2, une dynamique constante de recul est fondamentale afin de préserver et de prolonger l’activité ludique. Celle-ci s’établit dès lors dans une communication continue afin de maintenir un état mental où « le joueur fait comme si ce qu’il faisait était autre3 ».

Cette médiation perpétuelle est notamment assurée par l’ensemble des informations de l’interface utilisateur à travers l’ATH (pour affichage tête haute) et différents menus, qui agissent comme des couches de signes supplémentaires à la réalité du jeu. L’adresse aux joueurs peut se faire de différentes manières d’un jeu à l’autre et la plupart du temps demeurer dans une forme hybride selon les phases de jeu, notamment dans les phases de tutoriels. Cette apostrophe sert en premier lieu une finalité mécanique, dans la prise en main des règles et des limites d’utilisation, mais elle peut aussi s’exprimer comme relais ou miroir d’autres phases de gameplay ou de développement de la narration. L’avatar comme première instance de médiation (entre personnage fictionnel et représentation du joueur qui le dirige) est soutenue par un autre ensemble de signes, eux-aussi animés par certaines propriétés esthétiques et/ou mécaniques: l’interface utilisateur (ou UI pour user interface) redouble le « système mixte, je-il »4 et permet au mieux de qualifier chaque joueur de manière singulière par rapport à un autre, ainsi que chaque itération de jouabilité comme différente de la précédente pour un même joueur, selon la liberté qui lui est accordée et celle qu’il souhaite prendre dans les phases de menuing et dans son attention portée à l’ATH.

Le rôle de l’avatar est déterminant dans cette confrontation et cette médiation de l’expérience d’un autre fictionnel, entreprise par la mise en action d’un contrôleur, mais elle peut trouver sa valeur d’expression au contact et à travers les ressources des interfaces. Notre recherche se concentrera principalement sur l’intégration et l’agencement des éléments de l’interface utilisateur à travers l’exemple de NieR: Automata, comme soubassem*nt et proposition d’une expérience ludique. Celle-ci sous-tend une projection vers un Autre radicalement opposé au joueur dans ses dispositions empiriques, tout en maintenant cette réflexibilité qui enrichit le gameplay à la fois entre les joueurs et à l’ouverture de chaque nouvelle partie pour chacun d’entre eux. Le rapport à l’Autre et la friction des altérités au sein du système diégétique forment une pierre angulaire de l’écriture de Yoko Taro et ses équipes. NieR: Automata se distingue par une adaptation de ces thématiques au sein même de ses mécaniques les plus élémentaires. L’interface utilisateur, narrativisée dès le réglage des options, fabrique d’emblée une envie d’in[tro]spection: influençant l’approche des menus suivants, elle conditionne le suivi et l’implication des joueurs dans le déroulement narratif. Autant portail que barrière pour l’expérience utilisateur, la UI questionne la tension entre joueur et avatar. Mais cette perméabilité intradiégétique exprime aussi en négatif la confrontation d’une jouabilité humaine face à une intelligence machine. Ces deux perspectives permettent dès lors d’identifier une démarche éthique inhérente à l’acte de jouer qui place soi-même et l’Autre dans une relation d’interdépendance sous le signe de la responsabilité.

Mécanique des puces: l’interface entre portail et barrière

NieR: Automata, développé par PlatinumGames et édité par Square Enix en 2017, est le cinquième jeu dirigé par Yoko Taro. Celui-ci est à nouveau un action-RPG dont l’intrigue se concentre sur une guerre opposant les derniers survivants de l’Humanité et des envahisseurs extraterrestres ayant contraint les premiers à quitter la Terre complètement dévastée par les conflits, pour se retrancher sur la Lune. L’action se déroule en 11945, alors que les deux camps envoient sur le champ de bataille des armées de machines face à des unités de combat androïdes. Les joueurs contrôlent deux de ces soldats, 2B et 9S afin de poursuivre la reconquête de la planète. L’action oscille entre missions dans différents environnements terrestres, combats en vaisseau et retours à la station spatiale qui sert de base à l’unité YoRHA. L’esthétique globale se démarque par l’alternance de points de vue de la caméra lors de différentes phases de jeu, comme autant de références à différents genres vidéoludiques (du shooter au plate-forme 2D), afin d’influencer le comportement des joueurs face à certains défis et dynamiser l’action à l’écran. Pour autant, l’interface utilisateur conserve des traits minimalistes lors de tous ces segments de gameplay, engendrant un agencement aux modifications ingénieuses pour des transitions subtiles entre ces mêmes segments.

Les différentes représentations de l’interface utilisateur peuvent être majoritairement regroupées en quatre grands dispositifs: diégétiques, non-diégétiques, spatiales ou encore métatextuelles5. Bien entendu, un genre ou un jeu précis peut les conjuguer pour différents types d’informations à adresser aux joueurs. Par la multiplicité des potentielles interactions entre l’espace du joueur et celui du jeu, une porosité est possible entre les deux instances qui maintiennent l’existence même de l’action ludique, l’avatar et l’organisme: si le premier est l’incarnation rendue à l’écran via un personnage, le second se manifeste à travers ce que les joueurs impliquent dans le monde du jeu en terme de fonctionnalité et de capacité. L’écart naturel entre les deux est transformé par l’interface utilisateur qui figure une correspondance, afin que l’expérience de jeu soit la plus cohérente et intuitive possible – et selon l’expérience de jeu que les développeurs souhaitent transmettre. Cette démarche n’est rendue possible qu’à travers une perpétuelle hiérarchie visuelle et iconographique de l’information.

De nombreux genres souhaitent servir une impression d’immersion des joueurs et tendent donc à proposer une expérience embrassant le mieux la projection dans/par l’avatar. Malgré cette intention première, une interface utilisateur extrêmement discrète, ou entièrement diégétique par exemple ne semble pas se prêter efficacement à tout type de gameplay. La fonctionnalité demeure le maître-mot dans le design d’une interface, car l’immersion des joueurs doit d’abord se faire dans le cadre de la mécanique du jeu avant tout désir de « réalisme » ou du moins de « cohérence » à l’écran. En effet, la plupart des avatars présentent des connaissances et des compétences qui surpassent celles des joueurs et seuls les éléments d’interface peuvent atténuer ou cadrer ce décalage. Le personnage est un Autre complet, différent du joueur à bien des égards, dont les dispositifs de communication passent majoritairement par des interfaces dans toute interaction en jeu. Il est donc primordial que celle-ci reflète en partie notre propre rapport au monde ou du moins que les conditions d’accès à celui du protagoniste soient compréhensibles et signifiantes.

Dans le cas de NieR: Automata, nous faisons face à une implantation d’une interface utilisateur majoritairement diégétique de prime abord, modelée et incorporée de manière très efficace. Le menu principal et les interfaces in game partagent un thème monochromatique dont la palette est une première clef d’une identité visuelle très unifiée. L’ATH demeure très discret dans sa forme et sa teinte, ce qui engage le regard des joueurs à se concentrer majoritairement sur l’action. Les menus présentent un style similaire, avec une disposition ordonnée et des polices extrêmement claires et sobres pour un cheminement fonctionnel parmi les sections. Au-delà de cette considération formelle, son intégration s’affirme comme un levier narratif qui ne sort presque jamais de l’action en s’adressant uniquement aux joueurs6. Ce choix témoigne d’une harmonisation thématique entre la trame narrative et les combinaisons mécaniques qui activent cette même narration. En effet, le parcours de ces menus désigne littéralement les systèmes d’exploitation des personnages, qu’il s’agisse de l’équipement, des habilités (ce qui peut paraître encore assez classique) mais aussi les réglages, ou les données de jeu; toutes reliées à l’action des personnages au sein de l’univers déployé. A la différence de la licence Dead Space par exemple qui présente aussi une UI diégétique, celle-ci se distingue par une extrême économie d’informations présentes à l’écran. NieR: Automata opère plutôt par couches et par étapes avec une customisation poussée,
permettant possiblement une saturation d’informations selon le confort et l’interactivité désirés des joueurs7.

Cet aspect diégétique s’exprime dans son ajustement et sa personnalisation. Les puces de fonctionnalité se rapprochent des points d’habileté que l’on retrouve dans d’autres titres tels que Final Fantasy IX par exemple. Le branchement de celles-ci est explicitement représenté par une boîte verticale où elles s’intègrent en prenant plus ou moins d’espace selon leur aptitude; ce système rassemble à la fois les informations visibles à l’écran, qui s’énoncent alors comme capacités de soutien (barre de vie des ennemis, quantité traduite en nombre des dégâts provoqués, mini-carte etc.) et diverses habiletés et augmentations de statistiques nécessaires au combat (bonus de force, nombre de combo successifs possibles etc.). Cette mécanique qui embrasse les préférences et les qualités des joueurs, modifiable à l’envie, permet d’attacher l’interface utilisateur à l’univers déployé et relie efficacement le joueur au personnage. Par exemple, un coup porté par un ennemi entraîne un tremblement de la barre de vie de l’avatar ainsi qu’un feedback coloré avant sa réduction, mais l’ensemble de l’écran subit des modifications par l’utilisation de filtres afin de globalement troubler et alerter le regard. Cette esthétique permet de redoubler l’expérience de la nature d’androïde de l’avatar, au-delà de l’écriture du personnage et de sa mise en action par l’entremise d’un contrôleur. Le cheminement parmi les menus calque des changements de caractéristiques que l’androïde pourrait effectuer de lui-même afin d’accomplir au mieux sa mission. Le contexte d’interaction avec le personnage justifie un objectif presque unique de fonctionnalité dans l’élaboration de la UI, sans ajout qui pourrait paraître « accessoire » dans son iconographie. Son agencement est donc majoritairement diégétique, au point d’intégrer aussi les
paramétrages de début de jeu comme le volume du son ou la luminosité, à travers un dialogue entre 2B et 9S, ce dernier se présentant comme une unité de soutien pour la première, dont le paramétrage du nouveau corps est nécessaire après l’autodestruction de l’ancien à l’issue du prologue.

[Écrin/écran] / [Interface/intérieur]: double lecture de l’interface utilisateur dans l’oeuvre vidéoludique NieR: Automata (2)

Associés à son apparence, différents dispositifs de la UI intègrent durablement l’expérience des joueurs dans un imaginaire d’unité androïde. Son illustration la plus directe demeure la puce du système d’exploitation qui ne peut être retirée par le joueur sans risquer une annihilation totale de l’avatar, signant une fin du jeu. Pour le reste des puces, dont celles attribuées à l’ATH (désignées d’ailleurs directement par ce terme) leur système est ainsi personnalisable pour une signalétique à l’écran plus ou moins présente. Dès lors, il est
possible de supprimer tout élément d’ATH au profit d’une jouabilité toute différente, que ce soit sur l’entièreté d’une partie ou juste un segment. Au-delà de l’opportunité laissée aux joueurs d’adapter ainsi le curseur de difficulté selon leur confort ou leur désir de défi, cela permet par la même occasion de multiplier les façons d’appréhender le gameplay, comme une organisation des puces uniquement concentrées sur la vitesse (dans une démarche de speedrun par exemple) ou la puissance du personnage. Répondre aux besoins spécifiques des joueurs s’offre comme une opportunité de s’impliquer dans une autre trajectoire de jeu, parfois très éloignée des pratiques courantes de chacun. Cet amas de couches superposables en terme d’interface permet donc une personnalisation de la jouabilité de tout joueur et possiblement se confronter à une autre, mais cette dynamique nourrit par ailleurs un degré d’interactivité plus empathique avec l’avatar, puisque son intégration mécanique dans l’espace fictionnel engendre une forme de responsabilité pour le joueur.

« flowers for m[A]chines »: l’expérience utilisateur comme médiation éthique

L’avatar peut être appréhendé comme objet, une existence numérique dont le contrôle le rapproche d’un rôle à interpréter mais l’inscrit également dans une relation de mimicry8. Ainsi les joueurs sont amenés à devenir autre à travers les traits des personnages, ainsi qu’une adaptation de leur conduite afin d’accomplir une boucle de gameplay. Le jeu est de croire ou faire croire que le joueur est une situation autre que lui-même, en incarnant concrètement ce rôle ou en le jouant par procuration. Il s’agit d’une dissimulation de sa figure sociale au profit d’une persona qui va invoquer des expressions et des caractéristiques spécifiques à la situation désirée dans l’espace du jeu. L’avatar androïde qui est présenté aux joueurs s’affirme comme personnage (dans le contexte d’une narration au même titre qu’un cadre littéraire ou cinématographique) dont le cheminement personnel tend à faire la lumière sur la réalité de ses agissem*nts dans cette lutte continue contre les machines et de potentiellement s’extraire d’un assujettissem*nt de sa condition qui ne présente plus aucun sens ni aucune issue victorieuse. 2B et 9S sont présentés comme des outils aux capacités et aux fonctions précises dictées par leur modèle de fabrication. Leur intégration diégétique redouble leur qualité utilitaire pour le joueur: il convient de déployer leurs «ensembles de capacités, d’aptitudes et de techniques9 » pour accomplir leur mission qui devient celle du joueur.

Cette tension entre une fonction d’instrument et une fonction de personnage représente un trouble propre à la confrontation à l’Autre qui oscille entre une nature de sujet et d’objet. Le remplacement à chaque destruction du corps des protagonistes est une manière de justifier l’échec du joueur qui l’amènerait à relancer sa partie comme si de rien n’était; la mémoire de 2B conservée avant d’être ré-implantée imite une sauvegarde des composants collectés et de l’expérience acquise par le joueur à mesure qu’il complète sa partie. L’appellation 2B (« to be») prend peu à peu son sens comme un questionnement de ce que le droïde est, mais aussi de ce qu’il tend à être. Son intégrité est bousculée entre accomplissem*nt de sa mission cyclique et perspective personnelle. Le joueur est alors lui aussi pris à partie en étant victime et acteur du mensonge, par ce contrôle de 2B d’un point de vue mécanique afin de combattre les machines, tout en étant peu à peu spectateur de ses doutes et du subterfuge créé de toute pièce par l’organisation YoHRa.

La tentative de sortir de ce cycle semble envisageable à travers 26 fins possibles, les cinq premières étant les seules conclusions de scenarii explicitement intégrées pour une partie dite « complète ». Les 21 autres occurrences du générique interviennent lorsque les joueurs « dérogent» du chemin qui leur est destiné, entre autres en tuant ou en laissant un personnage non-joueur à un sort funeste, ou s’il décide de retirer la puce du système d’exploitation comme nous l’évoquions plus tôt. Il y a donc aussi disposition du corps des joueurs dont la seule réelle marge de manœuvre au sein des mécaniques concerne les inclinations à mener à bien la mission de leur avatar, dans l’enrichissem*nt de son inventaire ou de ses compétences par l’entremise des menus aux choix eux-aussi définis.

Mais cette qualité de sujet s’exprime aussi mécaniquement. La mort du personnage engendrée par mégarde ou par échec peut se vivre comme une expérience sans empathie pour celui-ci, qui réapparaîtra inéluctablement pour tenter à nouveau de passer l’obstacle qui retenait les joueurs auparavant. Cette convention vidéoludique peut pourtant engendrer un réel sentiment de perte, lorsqu’il affecte l’implication plus logistique du jeu. La « gestion » qui passe par l’économie de l’équipement et des différentes ressources à disposition, plus globalement le temps consacré à un accomplissem*nt très chiffré, peut connaître une rupture qui va marquer véritablement le joueur si un événement vient altérer ou rompre cette performance. Le jeu met alors à mal tout ce sur quoi il repose complètement, à savoir le système de récompenses et la collecte de consommables. S’il peut certes y avoir une charge émotionnelle servie par la mise en scène, qui a pu créer une empathie avec le personnage, il s’agit surtout ici d’un ébranlement plus réflexif, puisqu’il concerne les ressorts du medium: des statistiques précises concernant l’avatar, des caractéristiques d’interaction avec le gameplay, autant de marqueurs assignés par les joueurs. C’est un ethos de mathématicien sentimental qui est ici brusqué dans sa démarche.

Cette expérience est déjà sensible à l’issue de la route C par un clin d’œil fait aux joueurs, alors que 9S fait face à A2. Si le combat est mené avec ce premier, les joueurs seront tentés d’utiliser ses capacités de hacking afin de porter de plus grands dégâts à son adversaire. A force de réitération de cette technique, ils remarqueront que le curseur suit en fait un cheminement parmi une carte reprenant l’agencement du menu de A2. S’opère alors un dédoublement de l’interface utilisateur puisqu’elle est ici assurément comprise par l’androïde et le joueur et confrontée avec les mêmes paramètres que ce-dernier expérimente, par sa présentation et son agencement. L’action de hacking s’écarte d’une dimension quelque peu abstraite par le passage à une phase de shooter, qui s’intègre définitivement au thème global, dans sa forme et sa fonction, que nous avons décrit plus tôt. Les joueurs prennent conscience de la portée de leur attaque dans le sens où ils n’attaquent pas uniquement le corps d’un
énième boss contrôlé par le jeu, mais bien un personnage, qui est jouable, qui a aussi sa part de pré-construction purement mathématique et de mémoire mécanique sur le temps long de la jouabilité. Les joueurs agressent volontairement ce qu’ils ont dû eux-même construire et améliorer. Cette transgression de l’Autre par le forçage et la manipulation de ce qui forme sa subjectivité permet par la même occasion de consolider cette nature de sujet.

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C’est un peu plus tôt au cours de la route C que cela se révèle de manière plus manifeste. 2B est infectée par le virus logique, qui déclenche une rage incontrôlable et une perte totale de l’individualité des androïdes. Alors que tous ses camarades sur la station spatiale sont touchés, 2B ne peut à son tour échapper à la contamination. Elle se retrouve aux abords de la cité en ruines et doit échapper à l’assaut de nombreuses machines alors que ses fonctions s’affaiblissent peu à peu. Il ne s’agit pas d’une altération d’état classique du jeu d’action ou du jeu de rôle, puisqu’aucun consommable, aucun équipement ne peut ralentir ou contrer l’infection. Celle-ci est scriptée dans ses effets sur le contrôle du personnage et sa manifestation à l’écran: cette anomalie interne est énoncée par Pod 042, puis un compteur de corruption du système en ATH indique sa propagation. Le joueur est alors enjoint d’atteindre un point de repli avant une perte de 100% de ses capacités. Le système de contrôle est d’abord touché: la voix de 2B est voilée, l’écran commence à trembler et les éléments d’interface ou encore l’entourage du personnage perdent tout lissage dans leurs textures au profit de pixels mal dégrossis; au point de finir presque sourde et aveugle, handicaps frontalement constatés à l’écran. Son corps sera périodiquement pris de convulsions avec un sursaut de sa barre de vie, l’amenant à boiter, avant de constater l’impossibilité de toute autre action comme l’attaque, l’esquive et le saut. Ces modifications visuelles et mécaniques affectent aussi les menus, dont l’affichage devient confus, au point de n’être plus accessibles ou activables.

Le compteur de corruption du système n’apparaît pas comme un effet graphique, un élément d’interface qui se voudrait dramatique, ou un simple détournement de compte à rebours obligeant une action du joueur dans une durée limitée. Il manifeste visuellement une perte progressive des contrôles les plus élémentaires que les joueurs ont paramétrés en début de partie et ont maîtrisés peu à peu sy,mbolisant un ébranlement de toute expression de flow10 naturel jusqu’ici. Cette angoisse de perte possiblement définitive et cette crainte de ne pas parvenir à compléter cette boucle de gameplay (face à l’errance infligée aux joueurs par ses nombreux handicaps) trouve sa dernière expression dans une fenêtre d’erreur – hapax au sein de l’expérience ludique – indiquant que « l’action n’a pas été effectuée correctement» alors que les joueurs essayent à nouveau de lever leur arme lorsque la quasi-totalité du système interne de 2B est touchée. L’adresse double de cette interface signe une complète altérité de l’avatar par rapport au joueur, tout en s’affirmant comme une résonance du statut de celui-ci. Cette expérience et ses implications scénaristiques invitent les joueurs à interroger l’entité supérieure, dont ils ne sont donc qu’outil, qui émet ces procédés réflexifs.

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Le corps-objet qui est modifiable dans une certaine mesure, selon les besoins et les désirs des joueurs, engage une dynamique d’empathie plus éloquente et tangible. Les deux exemples évoqués permettent de considérer une confrontation à l’Autre qui passe par une affirmation de son visage, non pas au sens littéral du terme pour une figure humaine, mais peut-être par ce qui le caractérise plus encore, son mécanisme interne, véritable cartographie de son expression, «dans [laquelle] un être se présente lui-même11 ». La perte de contrôle et de repère est une mise à mal de ce lien tissé jusqu’alors avec le personnage, aussi rationnel et égoïste puisse-t-il paraître, en alimentant une crainte réelle d’une reprise en main du jeu sur l’action normalement sûre du joueur. Cette empathie mécanique trace une mise en abyme du lien joueur-machine. Il permet la création et le maintien de ce tiers lieu entre espace fictionnel ludique et espace personnel empirique, fondamental dans l’expression du jeu qui doit toujours rappeler et se rappeler qu’elle est jeu, comme nous l’abordions en introduction. Aussi, cette mise en scène de l’avatar et son application ludique comme figure d’altérité, n’a alors de cesse de se complexifier afin de perturber et d’ébranler le statut du joueur et de son action sur celle-ci.

« Weight of the World »: reflet et responsabilité de l’instance joueur

Cet axiome s’énonce irrémédiablement lors de l’épilogue, qui succède au duel évoqué plus tôt et se présente comme l’ultime épreuve des joueurs, avec le lancement du générique après une courte cinématique. Pod 153 demande aux joueurs une « interruption temporaire pour vérification des données » suite à une anomalie détectée. Il souhaite suivre son ordre initial d’effacer les données des androïdes, ce à quoi Pod 042 s’oppose, en devançant peut-être les attentes des joueurs. Si ces derniers indiquent leur désir de voir survivre les personnages, le générique qui était mis en pause se rembobine et l’action reprend pour annoncer l’accès à la fin E. Les joueurs sont alors invités à affronter les crédits de fin, à travers un gameplay similaire aux phases de hacking, mais la difficulté progressive rend la victoire impossible. A chaque échec, une fenêtre s’ouvre leur proposant d’abandonner. Des messages d’encouragements s’affichent alors à l’écran, introduits par des pseudos qui s’avèrent appartenir à d’autres joueurs. Après plusieurs tentatives infructueuses, le jeu propose d’accepter leur soutien: le curseur est alors accompagné d’autres qui associent leurs tirs de concert, assurant le succès face à cette épreuve. La prise de dégâts engendre l’apparition sur le coin droit de l’écran d’un message indiquant la perte des données de tel ou tel joueur venu à la rescousse. L’instance joueur est donc clairement identifiée et s’inscrit dans une expérience plus large à l’échelle de la diffusion globale du titre.

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A l’issue de la toute dernière cinématique, Pod 153 apostrophe le joueur. Cette ultime entorse au cadre de la fiction par un message explicite destiné à celui-ci l’enrôle définitivement comme entité empirique en train de jouer en le soustrayant à une attitude simplement participative à la narration. L’action du joueur est alors directement transformée dans le cadre de la fictionet l’action fictionnelle s’implante dans la réalité du joueur. La médiation entreprise par l’interface se dévoile et se reconnaît alors comme espace intermédiaire dont elle maintient le levier d’action. Cette apostrophe demande au joueur s’il souhaite à son tour adresser un message aux autres qui « se désolent parce qu’ils ne parviennent pas à terminer NieR:Automata ». Cette déclaration explicite à nouveau la personne-joueur, mais aussi l’acte de jouer et le jeu lui-même, en désignant les trois degrés de l’activité ludique.

A son tour, Pod 042 s’adresse « à la personne derrière l’écran. […] Vous, derrière l’écran […] qui jouez à ce jeu, [et qui] avez péri à maintes reprises pour arriver si loin ». Il redouble alors la substance empirique du joueur en le situant en dehors et en face du jeu: s’il signale l’acte de jouer il souligne surtout la conscience de cet acte. Il demande si lui aussi souhaite porter secours à un autre, anonyme, qui connaîtrait les mêmes revers, en échange de toutes ses données de jeu. Cette décision est définitive après six sollicitations du pod. Si la réponse du joueur est affirmative, le menu principal s’ouvre et les données de chaque onglet de navigation disparaissent sous ses yeux. L’entièreté des éléments collectés s’effacent jusqu’aux sauvegardes avant un fondu au blanc et un dernier remerciement de la part des pods pour l’investissem*nt accordé au jeu. Un dernier bandeau central indiquant une sauvegarde transcrit cette décision de destruction de celle-ci avant un retour à l’écran principal.

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Les dispositifs d’interface diégétiques et métatextuels qui laissaient apparaître une perméabilité entre l’espace du jeu et celui du joueur sont donc finalement désignés comme structure d’un entre-deux perpétuel où se situe l’action ludique. Ce postulat engage deux dynamiques qui construisent durablement une reconnaissance d’altérité que les joueurs doivent expérimenter. Yoko Taro l’exprime lui-même, sa démarche n’est pas d’imposer ses sentiments et pensées aux joueurs, « en manipulant l’histoire elle-même […] mais d’interférer avec l’expérience des joueurs dans la vie réelle […] par effraction12 ». Comme l’analyse Grace Gerrish:

Des objets fondamentaux tels que l’interface utilisateur et les commandes sont étrangisés afin de contester les cadres avec lesquels les joueurs perçoivent le jeu, qui comporte un récit dans lequel les automates cassent les cadres qui contrôlent leur perception d’eux-mêmes et du monde qui les entoure. Cela fonctionne à son tour comme une métaphore de la façon dont le joueur est également un automate les yeux bandés qui devrait prendre conscience des cadres cognitifs qui le confinent […]13.

Les dispositifs propres au medium sont quelque peu détournés afin de laisser aux joueurs l’appréciation de discuter leur propre partie, leur démarche de joueur et leur relation avec l’acte de jouer, pour possiblement construire une autre perception et interprétation de certaines mécaniques de jouabilité. La correspondance entre la forme et la substance du gameplay permet d’énoncer distinctement la relation du joueur avec la machine qui s’exprime d’abord par le conditionnement puis par la potentielle contestation. Plus encore, cette convergence entre l’espace du jeu et l’espace du joueur lors de cet ultime dialogue (qui devient donc une conversation à trois participants) permettrait presque de considérer une phase intermédiaire de complicité avec le système-machine: son action sur les protagonistes tout au long de la partie serait de l’ordre du conseil tactique et technique lorsqu’il agit dans les phases de menuing au même titre que s’il était un pod supplémentaire suivant le personnage à l’écran. Il en ressort en tout cas une prise de distance entre le joueur et le personnage à l’écran, un effet de miroir qui n’est possible que par une altérité entre les deux instances finalement totale.

Enfin cette dernière phase de jeu interroge la valeur qu’accorde le joueur à son acte de jouer, en invoquant une démarche de responsabilité vis-à-vis des autres joueurs ayant fait le sacrifice de leurs données et d’un Autre, inconnu, qui se retrouve dans la même situation que lui. L’acte de jouer se conjugue alors à un acte éthique, il s’affirme même comme tel:

Jouer n’est en rien insignifiant: en tant que terme relatif culturellement, le sens du jeu est une représentation du sens de soi-même et, considéré comme une fonction, le jeu permet à l’individu et au monde de se renouveler grâce à l’actualisation d’une part du virtuel. Le joueur est responsable du sens du jeu produit dans le monde pour lui-même et pour les autres. De nombreux liens unissent le jeu à l’éthique: jouer est toujours une action et un acte éthique, l’éthique étant entendue comme l’art de diriger la conduite14.

La distance que nous évoquions est donc doublement fondamentale afin de prendre conscience de cette dynamique inhérente à l’action de jouer, qui place toujours le joueur face à un autre ainsi qu’une multiplicité d’autres. Yoko Taro avance qu’il «est acceptable que certaines personnes trouvent amusant de tuer dans [leurs] jeux. Si c’est la seule chose que le jeu leur inspire, qu’il en soit ainsi, car c’est leur libre choix d’entreprendre le jeu comme ils le souhaitent15. » Malgré tout, les joueurs sont contraints de faire face à leur choix dans cette mise à distance soudaine, redoublant les dispositions précédentes du jeu pour qu’ils prennent conscience que la facilité et le juice ressentis à la mise à mort de l’ennemi pour sa différence (dans sa nature et sa disposition mécanique d’opposant) ne sont ni anodins ni sans incidence. Questionner la démarche de supprimer l’Autre ou de le laisser vulnérable s’affirme comme un effort de définition de sa subjectivité, qui n’existe que par l’existence et l’accueil de cet Autre: « […] l’Autre, absolument autre – Autrui – ne limite pas la liberté du Même. En l’appelant à la responsabilité, il l’instaure et la justifie16. » L’espace qui cadre le jeu, le jouer et le joueur est donc bien distendu et enrichi par une double opération de recul qui occasionne un regard sur sa propre activité ludique face à soi-même et face aux autres joueurs.

Conclusion

L’interface utilisateur s’affirme comme une matière primordiale dans le développement d’un objet vidéoludique à double titre: ses dispositifs d’accessibilité permettent une médiation avec le personnage et l’espace du jeu afin de cadrer leur altérité et les rendre concrets pour le joueur. Par la même occasion, ils suspendent l’acte ludique dans un espace médian, poreux, entre le jeu et le joueur où se dit et s’affirme l’acte de jouer. C’est par son appareillage et son agencement que le joueur peut être actant à travers l’avatar, que celui-ci présente aussi ses traits de personnage, mais que l’instance machine peut par ailleurs rappeler sa présence et possiblement sa puissance sur l’action en cours. Qu’il s’agisse d’une relation hostile ou complice, cette structure relationnelle impose une relation à l’Autre qui prend une valeur de responsabilité, dont les ressources et les procédés s’expriment majoritairement au moyen de la UI.

NieR: Automata parvient certes à façonner des dynamiques narratives par les dispositifs propres au medium, par leur capacité à être à la fois sensibles et opérationnels, obligeant les joueurs à y être réceptif en permanence. Mais le jeu parvient également à dire l’acte de jouer et à le réfléchir par ces mêmes procédés. La nécessité de se rappeler à la condition de joueur, de convoquer la fonction de jouer invariablement est fondamentale dans l’activité ludique. Cette prise de distance prend la valeur d’une responsabilité, que les outils des interfaces peuvent matérialiser comme autant de possibles ludiques. Cet impératif de responsabilité n’est pas une réduction de la liberté des joueurs d’entreprendre de telle ou telle façon l’appareil mécanique et narratif qui leur est offert. Au contraire, dans le cas de cette œuvre notamment, elle instaure juste l’existence d’un Autre qui est indispensable pour témoigner et reconnaître sa propre individualité active dans le jeu. C’est dans ce cadre que l’analyse des interfaces et de leur coexistence permet une lecture de l’activité ludique à la fois réflexive et éthique.

Citer ce billet
Alban Benoit-Hambourg (2023, 4 août). [Écrin/écran] / [Interface/intérieur]: double lecture de l’interface utilisateur dans l’oeuvre vidéoludique NieR: Automata. Ask the Raven. Consulté le 28 juin 2024, à l’adresse https://asktheraven.hypotheses.org/319

  1. Fanny Barnabé et Julie Delbouille, « Aux frontières de la fiction: l’avatar comme opérateur de réflexivité », Sciences du jeu, n°9, 2018, mis en ligne le 01 juin 2018, « Du ludique au narratif. Enjeux narratologiques des jeux vidéo », Sébastien Genvo (dir.), https://journals.openedition.org/sdj/958. []
  2. Sébastien Genvo, « Penser les phénomènes de ludicisation à partir de Jacques Henriot », Sciences du jeu [En ligne], n°1, 2013, mis en ligne le 01 octobre 2013, « 30 ans de Sciences du jeu à Villetaneuse. Hommage à Jacques Henriot », Aymeric Brody et Gilles Brougère (dir.), https://journals.openedition.org/sdj/251. []
  3. Ibid. []
  4. Carl Therrien, « Le jeu vidéo: point de vue sur la narratologie », Artifice, Février 2006, http://www.webbynerd.com/artifice/dossierarchives/148.html. []
  5. Pour une distinction des différentes caractéristiques d’interface, se reporter à Erik fa*gerholt, Magnus Lorentzon, « Beyond the HUD. User Interfaces for Increased Player Immersion in FPS Games », Master of Science Thesis, Chalmers University of Technology, Chalmers Open Digital Repository, Septembre 2009, https://odr.chalmers.se/items/d5fe6889-4cc6-49c2-ba56-0d759e2f37eb. []
  6. La seule réelle transgression à cet ordre demeure la mise en pause de l’action par l’ouverture du menu et les fenêtres didacticielles. Mais ces transgressions ne sont plus considérées comme telles à présent et ont pris la forme de conventions à force de récurrence. []
  7. Bien entendu, cela peut d’abord s’expliquer par certains codes des genres des deux jeux: le survival horror pour le premier et l’action-RPG pour le second, les tenants et aboutissants des deux expériences ludiques n’étant pas fondamentalement les mêmes. []
  8. Roger Caillois, Les Jeux et les hommes, Paris, Gallimard, « Folio essais », 1992 [1967], p. 81. []
  9. « sets of capabilities, potentials and techniques » James Newman, « The Myth of the Ergodic Videogame. Some thoughts on player-character relationships in videogames », Game Studies, vol. 2, n°1, p. 1-8 , Juillet 2002, https://www.gamestudies.org/0102/newman/. []
  10. Se rapporter à la définition de Mihály Csíkszentmihályi, Flow: The Psychology of Optimal Experience, New York, Harper & Row, 1990. []
  11. Emmanuel Levinas, Totalité et infini. Essai sur l’extériorité, Paris, Le Livre de Poche, « Biblio essais », 1990 [1971], p. 218. []
  12. « Instead of entering or manipulating the story itself, […] my goal was to interfere with the players’ real life experience […] by breaking in. », Yoko Taro, « Making Weird Games for Weird People. », Game Developers Conference, San Francisco, 17 Mars 2014, https://www.gdcvault.com/play/1020816/Making-Weird-Games-for-.. []
  13. « Fundamental elements such as the UI and controls are defamiliarized in order to challenge the frameworks with which players perceive the game, which features a narrative in which automatons break the frameworks that control their perception of themselves and the world around them. This in turn operates as a metaphor for how the player is also a blindfolded automaton who should become aware of the cognitive frameworks that confine them […] », Grace Gerrish, « NieR (De)Automata: Defamiliarization and the Poetic Revolution of NieR: Automata », DIGRA Nordic ’18, Novembre 2018, http://www.digra.org/wp-content/uploads/digital-library/DiGRA_Nordic_2018_paper_32.pdf. []
  14. Maude Bonenfant, « La conception de la “distance” de Jacques Henriot: un espace virtuel de jeu  », Sciences du jeu, n° 1, 2013, mis en ligne le 01 octobre 2013, « 30 ans de Sciences du jeu à Villetaneuse. Hommage à Jacques Henriot », Aymeric Brody et Gilles Brougère (dir.), https://journals.openedition.org/sdj/235. []
  15. « I actually feel that it’s fine if some people feel it’s fun to kill in our games. If that’s all that they feel from the
    game, then it’s fine, because its their freedom to feel what they want from the game. », Imran Khan, « Talking To Yoko Taro, PlatinumGames’ Takahisa Taura, And Composer Keiichi Okabe About Life, Death, And Opportunity », 01 janvier 2019, https://www.gameinformer.com/2019/01/01/talking-to-yoko-taro-platinumgames-takahisa-taura-and-composer-keiichi-okabe-about-life. []
  16. Emmanuel Levinas, Totalité et Infini. Essai sur l’extériorité, p. 214-215. []
[Écrin/écran] / [Interface/intérieur] : double lecture de l’interface utilisateur dans l’oeuvre vidéoludique NieR : Automata (2024)

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